Bellissima Giuliana

Bellissima GiulianaVous avez commencé votre carrière en Italie,mais votre nom est quasiment inconnu en France. Quel a été votre parcours?

Peu de films dans lesquels j’ai tourné sont sortis en France, en tout cas pas ceux qui me tiennent le plus à cœur. Jusqu’à dix-sept/dix-huit ans, je ne rêvais pas vraiment de devenir actrice. A dix-huit ans, je suis partie de Naples pour chercher du travail à Rome. J’ai commencé à fréquenter le milieu du théâtre et du cinéma par l’intermédiaire de ma sœur, Thérésa, une chanteuse assez connue en Italie. Elle m’a présenté un de ses amis acteurs qui m’a demandé… d’être souffleur dans un théâtre. C’était une pièce de Strindberg qui le mettait en scène au milieu de dix femmes. J’ai donc commencé à soufflerie texte aux différents acteurs et je me suis rendue compte qu’en une semaine, je connaissais tous les rôles par cœur. Je ne voulais pas faire comme toutes les jeunes filles un peu connes qui montent à Rome pour être actrices. C’était pourtant devenu un rêve, et mon ami m’a convaincue de porter des photos à un agent. J’étais très sceptique, mais je l’ai fait. Trois jours plus tard, on me proposait un premier petit rôle de paysanne dans une comédie. Vous êtes alors devenue une star?Non (rires), pas encore. J’ai eu la chance de ne pas trop attendre. Mon impresario avait tendance à me proposer des rôles plutôt déshabillés, et j’ai eu un choc. Pour moi, une actrice, ce n’était pas cela. Je suis donc allée voir un autre agent, assez coté, et il m’a engagée. Un mois plus tard, il me proposait un casting pour un très grand feuilleton, «Une femme», dont le tournage durait sept mois. C’était l’histoire de la première féministe italienne, une adaptation d’un des romans féministes du début du siècle. J’ai rencontré le metteur en scène, qui m’a demandé de venir à la télévision pour faire un essai filmé. Dix jours plus tard, j’ai été convoquée à Turin pour des essais en costumes. Il y avait vingt candidates qui avaient déjà subi une sévère sélection.

Et vous avez décroché le rôle?

Oui. Le jour où j’ai appris la nouvelle a été un moment de bonheur jamais égalé. Ce feuilleton date de treize ans et, à l’époque, il n’y avait pas une telle concurrence à la télévision. Le feuilleton du dimanche soir, c’était sacré. D’un jour à l’autre, j’ai été propulsée au rang de star. Je ne pouvais plus sortir de chez moi sans être harcelée. J’étais invitée à des débats à l’université pour parler du feuilleton alors que je ne me sentais pas tellement concernée. Les femmes s’identifiaient complètement au personnage au moment où elles luttaient pour leurs droits.

Comment avez-vous abordé véritablement votre carrière au cinéma?

Avant de commencer à tourner pour le cinéma, j’ai eu une proposition d’Elio Petri («Un citoyen au-dessus de tout soupçon»). C’était un mythe pour moi. Il tournait, pour la télévision, une adaptation des « Mains sales» de Jean-Paul Sartre, avec Marcello Mastroianni. Il ne m’avait pas vue dans «Une femme», mais il m’a choisie et on a tourné pendant quatre mois. C’était presque du théâtre parce qu’il faisait des plans-séquences très longs avec deux jours de répétition avant les prises. Il y avait une préparation de forme théâtrale avec, en plus, l’excitation due à la présence de la caméra. Paradoxalement, je dois avouer que je ne suis pas comme tous ces acteurs qui ne voient que par le théâtre. Mon obsession, c’est le cinéma.

La télévision vous cantonnait-elle dans le même genre de rôles?

C’est toujours un handicap de travailler longtemps pour le petit écran. Mais on a la chance, en Italie, d’avoir une télévision légèrement différente de celle de la France. Elle est beaucoup plus proche du cinéma. Les metteurs en scène de télévision et de cinéma sont les mêmes. Jusqu’à vingt-cinq ans, j’alternais une pièce de théâtre de sept-huit mois avec un feuilleton, une fois par an. A vingt-six ans, j’ai eu la chance de tourner trois films à la suite. Le premier, «Sciope’ N», avec Michel Placido, a obtenu le Lion d’or à Venise, dans la catégorie première œuvre, avec un succès public à la clé. J’ai enchaîné avec «Io chiara e loscuro» avec Francesco Nuti (un grand comique italien. NDLR). Nous avons tous les deux obtenu l’équivalent des Césars en France. Il n’est malheureusement jamais sorti dans votre pays. Le dernier, «Scusate il ritardo», a mis un point d’honneur à cette année magique. C’était en 1983. Depuis, je n’ai fait qu’une apparition sur le petit écran, avec Placido, dans la série «La Mafia» diffusée dans le monde entier.

Vous avez tourné avec beaucoup d’acteurs français…

Oui, j’ai travaillé avec Lino Ventura sur «Cent jours à Palerme», avec Bernard Blier, sur «Cuore», avec Richard Anconina, dans «Se loscopre Cargiulo» (inédit en France) et avec Catherine Deneuve et Philippe Noiret dans «Pourvu que ce soit une fille». Mais j’ai eu surtout des partenaires américains. Beaucoup d’acteurs étrangers viennent travailler en Italie. Presque trop à mon avis. Il y a d’ailleurs eu une grève, l’année dernière, de tous les acteurs pour protester contre ce phénomène. Les comédiens italiens n’ont que très peu l’occasion de travailler en dehors des frontières. Il serait logique qu’il y ait un échange.

«Le candidat» est-il votre première expérience100 % française?

Pas exactement. J’ai tourné avec un fou qui s’appelait Jacques Grand-Jouan, aux côtés de Philippe Noiret, dans «Rue du pied de grue». Ce fut un vrai bide. Je ne parlais pas du tout la langue et j’avais appris mon rôle par cœur. Ce réalisateur était tombé amoureux de moi et m’avait pro– posé le rôle de la femme de Noiret. Comme je n’avais rien à perdre à l’époque (1977), mon agent m’avait assurée que cela pouvait être une superbe expérience pour moi. Je me suis donc lancée dans cette aventure malgré un scénario un peu fou. Le film n’a pas du tout marché. Quand j’ai revu Philippe six ans plus tard sur le tournage de «Pourvu…», il m’a confié qu’il préférait ne pas se souvenir de notre première expérience commune!

Comment avez-vous connu la réalisatrice Agnès Delarive?

Depuis quelque temps, il m’arrivait régulièrement des propositions françaises, mais rien ne m’avait jusque-là enthousiasmée. Ce film m’a tout de suite plu parce que j’allais interpréter le rôle d’une call-girl de luxe un peu pourrie. Cela m’amuse car j’aime les rôles de méchante. Le cinéma italien est trop conventionnel. Les personnages que j’interprète sont toujours des filles bien et cela m’agace. J’aime aussi la folie dans les rôles. Je viens de voir «Camille Claudel» et j’ai été enthousiasmée non seulement par la prestation d’Isabelle Adjani, mais aussi par la puissance exceptionnelle que dégage son personnage. C’est tout à fait legenre de films que j’aimerais faire.

Comment s’est déroulé le tournage du «Candidat»?

Pendant deux mois, Patrick Chesnais, Michel Galabru et moi formions un véritable trio infernal. Je ne les connaissais que par écran interposé.

Bellissima GiulianaLes productions françaises sont-elles nombreuses à se faire une place sur le marché italien?

Non, pas vraiment. Les rares films qui sortent n’ont pas tellement de succès. «Camille Claudel» n’a tenu qu’une semaine à l’affiche. Mais je pense qu’il n’y a pas assez de publicité. Et puis les Italiens ont des préjugés sur les films français.

Y a-t-il des acteurs français reconnus comme des stars en Italie?

Les stars françaises sont méconnues du grand public et restent des «phénomènes» de cinéphiles. Gérard Depardieu est assez connu pour sa prestation dans «1900» de Bernardo Bertolucci. J’ai eu la chance de le rencontrer brièvement à Fumicino, mais c’est tout. Je trouve que c’est un acteur puissant et je rêve de tourner avec lui.

Que pensez-vous des metteurs en scène français?

J’ai bien aimé le dernier Chabrol, «Une affaire de femmes». Isabelle Huppert y était formidable. J’aime aussi Bertrand Tavernier, mais je suis fascinée, en général, par les réalisateurs qui dirigent des femmes. J’aimais beaucoup François Truffaut. «Adèle H» fait partie de mes classiques. Aujourd’hui, ce que j’attends d’un metteur en scène, c’est qu’il me propose un travail d’équipe où chacun puisse affirmer sa personnalité. Je ne veux pas interpréter des rôles où je ne ferais qu’obéir à des ordres. Je ne veux pas non plus que ma carrière devienne de la routine. Ce serait trop déprimant.

La vidéo fait-elle partie de votre quotidien ?

Je devrais m’en servir pour étudier mon jeu de scène, mais je déteste me voir sur un écran. Dès que je me regarde, je déprime… Je ne visionne jamais les rushes. Je ne vois mes films qu’une seule fois en projection privée. Je n’aime ni mon jeu ni mon physique. Pourtant, j’éprouve le besoin d’étudier, parce que je ne suis jamais passée par une école. Pour le plaisir, j’ai un magnétoscope et je loue des cassettes. Mais c’est très limité. Nous avons quarante chaînes et il faut vraiment le faire exprès pour ne rien trouver d’intéressant en direct.

Et la publicité?

Il passe tellement de beaux films que la publicité ne nous gêne plus. C’est une mauvaise habitude, mais on n’y peut rien. Le public de cinéma, en Italie, est devenu un public de cinéphiles. Je me fais un peu tirer l’oreille pour aller m’enfermer dans un cinémas. Mais en ce moment, je n’ai que les six chaînes françaises à ma disposition et je retourne donc dans les salles. Les programmes TV ne sont pas très attrayants!

Vos projets?

Je vais tourner avec Furio Scarpelli (scénariste d’Ettore Scola) un film sur la psychanalyse qui s’appellera…« Méchante».

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